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Tourisme solidaire au Sénégal
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8 octobre 2008

Synthèse de nos réflexions et propositions (suite)

Des difficultés récurrentes de gestion

Les différents campements ou auberges se développent en qualité et en nombre. Les modalités de financement sont divers : privé, associatif, programme de coopération, etc. Les modes de gestion et d'organisation sont aussi divers : structure privée, SCI, groupement d'intérêt économique (les GIE sont une forme répandue au Sénégal d'entreprises collectives), association ou communauté villageoise. Le responsable de la gestion, souvent occidental, n'est pas toujours présent sur place et délègue à une équipe. Pour les campements, de 5 à 10 personnes en général travaillent : accueil et gestion, cuisine, ménage et entretien, services... avec des à-coups saisonniers comme dans l'hôtellerie classique, avec parfois des équipes plus réduites (Ninky Nanka), ou au contraire plus importante lorsque les activités de loisirs, de découvertes sont intégrées à la structure (Keur Bamboung).

Les prix varient du simple au double et restent bon marché pour les européens. Les plus chers sont en concurrence avec des équipements touristiques traditionnels. Ces prix restent hors de la portée de certaines bourses (jeunes et groupes). L'équilibre financier de ces équipements semble possible dans la plupart des cas sans pour autant atteindre des sommets.

Il existe en effet des difficultés récurrentes auxquelles sont confrontées la plupart de ces initiatives :

Le manque de capitaux pour construire un équipement de qualité, assurer la promotion et l'entretien est constaté et entraîne des difficultés. Si les coûts de construction sont relativement modestes vis à vis de la France, du fait de la mobilisation de la main d'oeuvre locale et des techniques de construction traditionnelle, certains équipements de confort (WC, panneau solaire, alimentation d'eau...) nécessitent des importations et entraînent des difficultés d'entretien que les responsables n'ont pas toujours les moyens de régler (le campement « Jantebi » est en vente faute de capitaux pour finir la salle de rencontre, le campement villageois de Palmarin Sessene a été fermé par le ministère en attendant une réhabilitation) : même les campements tout neufs sont confrontés à des difficultés (réfection de la toiture du restaurant à Niombato). Les fuites d'eau des toilettes représentent une bénédiction pour les plombiers locaux mais un gouffre pour les gestionnaires.

Enfin le caractère intéressé ou non de la gestion de ces équipements, la compétence et l'engagement du gestionnaire, peuvent souvent être sources de problèmes : conflits entre propriétaires, associations, gérants, personnels, famille élargie, qui peuvent déboucher sur des procès et des fermetures (La Palangrote) ou des dysfonctionnements (Palmarin).

Propositions

1. Des solutions intéressantes de gestion mixte publique/ privée sont expérimentées pour bénéficier d'un apport financier extérieur tout en laissant une responsabilité économique au gestionnaire.

2. Les budgets d'investissement étant souvent sous évalués demandent à être plus réalistes et la mise en place d'un budget prévisionnel de gestion est indispensable, avec un poste entretien suffisant (équivalent à 10% du coût de la construction).

3. Le choix et la formation du gestionnaire est un des facteurs clé de la réussite : intéressé financièrement pour rester motivé, extérieur aux alliances familiales locales pour garder une autorité sur les autres salariés, accueillant et rigoureux.

Une commercialisation insuffisante

Presque chaque auberge, chaque campement, chaque circuit est présent sur Internet. Les associations, le bouche à oreille et le Guide du routard notamment permettent à cette offre touristique de trouver des clients.

Ces clients sont divers : outre les routards individuels, les familles et les petits groupes de vacanciers, on trouve aussi les militants associatifs, les retraités bénévoles, les jeunes volontaires ou des responsables d'ONG qui profitent de leurs activités humanitaires pour visiter le pays. Il y a encore les expatriés et les citadins qui veulent se dépayser en cours d'année et les organisations professionnelles, internationales ou locales, qui recherchent des lieux de rencontre pour réfléchir, échanger, se former, etc.

Certains sites ont une notoriété car ils ont bénéficié d'une émission de télé (Keur Bamboung ) ou d'un soutien médiatique comme celui de Nicolas Hulot (Keur Cupaam) Cette diversité de public est difficile à toucher car le marché est segmenté. Internet n'est pas disponible partout et il y a peu d'informations papier sur place. Peu de sites renvoient sur les autres. L'information se diffuse dans le milieu des amis proches des associations partenaires. Les tentatives de diffusion par les agences de voyages classiques donnent peu de résultats. La diffusion par les agences spécialisées (éco ou solidaires) touche un public limité déjà motivé. Les tarifs pratiqués pour les circuits solidaires sont hors de portée de certains publics notamment des jeunes. Il manque une offre aux tarifs adaptés pour des groupes ou des personnes qui n'ont pas beaucoup de moyens.

Par rapport à la concurrence qui se développe rapidement, le tourisme alternatif a donc du mal à faire le plein et à proposer une réelle alternative au tourisme capitaliste de masse.

Propositions

1. Un regroupement des auberges ou campements d'éco tourisme solidaires paraît indispensable pour permettre une meilleure commercialisation : site Internet commun ou renvoi mutuel sur les sites partenaires, plaquette collective ou plaquettes et affiches diffusées localement par chacun.

2. Une mise en commun des carnets d'adresses pour des relances collectives. Des prospections seraient à organiser en commun en direction des différents publics repérés.

3. Un travail avec les nombreux guides locaux ou les transporteurs qui sont des prescripteurs serait à envisager.

4. Ne pas mettre la commercialisation uniquement sur des circuits. Entre les circuits complets et les séjours sédentaires dans un seul lieu, il y aurait la place pour des mini circuits avec trois ou quatre étapes de plusieurs jours, moins fatigantes qu'un circuit mais plus diversifiées qu'un séjour unique. Permettre des prestations à la carte et non pas imposer des tout compris dont certains publics ne veulent pas ou n'ont pas les moyens de s’offrir. Prévoir une offre de camping ou de groupe pour ceux qui ont peu de moyens.

Qui peut initier ce travail de commercialisation : chacun bien sûr, chacun peut prendre contact avec chacun et diffuser auprès des autres ? Un noyau ? Un soutien d'ONG ou de regroupement d'ONG ? D'un gouvernement ou d'une collectivité ?

Rapport complet à télécharger

Intégration progressive du tourisme dans une démarche de développement local durable

Il existe de véritables élans de générosité des Toubabs vis-à-vis du Sénégal et les Sénégalais savent faire des « projets » pour récolter des fonds auprès des associations et des ONG. Les projets s’appuient très souvent sur des « OCB », Organisations Communautaires de Base, et les communautés villageoises, avec des processus de décision démocratique (longs palabres) et des investissements collectifs de première nécessité : santé, éducation, eau, moulins à mil, petit maraîchage. Le mérite de ces initiatives réside dans leur caractère concret mais aussi dans les relations d’amitié entre les personnes du nord et du sud qu’elles permettent.

Ces points positifs ne doivent cependant pas occulter les limites et les dangers de ce type d’aide. Il y a tout d’abord les projets « bidon », qui ne sont qu’éphémères, portés par des sénégalais qui ne voient qu’un intérêt personnel à court terme sans engagement collectif dans le temps. Il y a aussi les projets prétextes des « toubabs » plus désireux de se faire financer un voyage à bon compte que d’aider le pays dans la durée (Nombre d’associations sont créées par des étudiants qui récoltent des fonds pour un stage, pour des projets parachutés et sans lendemain : il suffit de voir les sites « fantôme » sur Internet, abandonnés aussitôt le stage terminé). Il y a aussi les associations « amateurs » et/ou « paternalistes » qui entendent dicter aux autochtones ce qui est bon pour eux et utilisent des volontaires et des bénévoles « bon marché » pour manager les projets sur le terrain. L’intérêt de ces « stages » est peut-être de participer à la formation des jeunes européens et de créer du lien, mais pas de faire du développement local, qui demande de la technicité, de la formation et de l’expérience, avec une ouverture à l’interculturel et du développement. Peu d’ONG forment leurs volontaires à la langue locale alors que certaines associations (américaines !) prévoient un stage d‘immersion et de langue préalable de deux mois.

Les deux points les plus négatifs de l’aide sont l’émiettement et l’assistanat :

Chaque association est pressée, veut voir le résultat concret de son action, et de ce fait ne prend pas le temps d’un diagnostic territorial global des forces, des faiblesses et des acteurs locaux. Une véritable stratégie de développement ne peut faire l’économie d’un partenariat d’action avec les autres acteurs locaux, gouvernementaux, collectivités,  ssociations, ONG ou structures privées pour mutualiser les moyens, faciliter les synergies et inscrire le projet dans le long terme.

Le deuxième écueil est donc l’assistanat qui entretient l’illusion que les solutions ne peuvent venir que de l’argent récolté de l’extérieur ( un cadeau ne se refuse jamais !), mais la population locale ne se sent impliquée que pour « faire plaisir » au toubab quand il est là. La course au projet induit une irresponsabilité quand il n’alimente pas les détournements inévitables vu les différences de richesses.

Propositions

Sans prétendre avoir La solution à ces questions de développement, plusieurs principes pourraient être facilement appliqués pour éviter les plus grosses dérives :

1. Systématiser les diagnostics territoriaux avant toute intervention, avec la participation des acteurs du territoire et recensement des autres projets et intervenants. L’ARD, agence régionale de développement, établissement public sénégalais, a pour objectif de coordonner l’ensemble des interventions et de réaliser des plans locaux de développement. Il serait bon que les associations de développement et les ONG apportent leur contribution à ce travail plutôt que de travailler seules.

2. Apporter un minimum de formation interculturelle et au développement aux volontaires et aux bénévoles qui viennent sur place, et leur assurer aussi un encadrement suffisant pour ne pas les laisser seuls face aux difficultés de terrain. Des formations existent déjà et leur mutualisation inter associative serait à privilégier.

3. Enfin passer d’une logique d’« aide subvention » à une logique d’aide à l’investissement, par des apports de capitaux ou des prêts, de type micro crédits mais aussi finances solidaires pour les plus gros projets, permettrait de sortir du l’assistanat « cadeau » à un engagement économique plus risqué mais de ce fait plus économiquement porteur. Une mise en commun des expériences de financement alternatif serait intéressante à faire autour des projets de Faddidi Niombato, de la NEF, du CCFD et de bien d’autres.

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Commentaires
W
ca a pas réouvert?
J
Le campement palmarin sessene a été fermé en octobre 2007 par le ministère du tourisme. Un projet de réhabilitation est à l'étude. Mais il semble aussi que des conflits entre les gestionaires et les responsables du campement soient à l'origine des difficultés de mise aux normes. Cet ancien campement a fait ses preuves pour le tourisme solidaire mais montre aussi les dangers d'un développement mal maitrisé : trop nombreuses constructions alignées et trop petites, installations en bord de mer détruites par la mer, .. le responsable du campement nous a bien accueilli et nous a proposé une auberge comme alternative mais la qualité de celle-ci nous a fait préférer le campement voisin "le djidjack", bien tenu, agréable, abordable; et qui, bien que non "solidaire", semble bien intégré dans le développement du secteur.
D
je ffais partie de l'association de tourisme solidaire DEPARTS et porte le projet de voyage au Sénégal.<br /> j'ai été très intéressée par votre travail, il porte un regard approfondi sur les points forts et faibles de ce tourisme "autrement" et des sites visités. J'aimerais poursuivre cette réflexion avec vous, car je pense aussi que développer ce tourisme là au Sénégal permettrait non seulement de permettre à la population d'en recueillir directement les fruits et de donner une alternative au tourisme de masse humainement et écologiquement dévastateur.<br /> Comme je vous le disais dans un e mail précédent je pars pour 2 mois 1/2 au Sénégal et on pourrait en reparler à mon retour.<br /> Des questions :<br /> Pourquoi à votre avis le campement Sessene à Palmarin n'a t'il pas pu démarrer ?<br /> Pourquoi avoir choisi le Djidjack ?<br /> En matière de dérive écologique à faire savoir :<br /> avez vous vu que les eaux usées du Royal Lodge à Palmarin se jettent sur la plage et bien sûr dans l'océan.<br /> à bientôt <br /> Cordialement<br /> Dan
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Tourisme solidaire au Sénégal
  • Francoise et Jean, de Gap dans les Hautes Alpes, avons testé le tourisme solidaire au Sénégal en juillet 2008. Nous voulons partager avec vous nos réflexions pour un développement durable de ce type de tourisme alternatif. jeanhd@free.fr
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